je t’ai prêté ma bouche

C’est M. un samedi matin, alors que nous assistons à une rencontre d’autrices ensemble, qui me retient par le bras pour me demander, mais toi ! Tu as abandonné ton blog, ou quoi ? Et c’est vrai que j’ai du mal à me souvenir du dernier post écrit. L’envie pourtant est là, en grand, à cette rencontre justement où j’écoute parler des femmes de ce qu’elles écrivent et de comment elles le font, ou lorsque je passe devant une librairie, ou que je rédige une note de lecture pour un manuscrit que je viens de terminer, ou que j’écoute Bertrand Belin ou Dominique A. L’envie est là tout le temps, mais toujours grignotée par le reste. Je repense à V. qui devant la baie vitrée de l’appartement, disait : mon problème, c’est que je n’ai pas assez de temps pour voir tous les gens que j’aime. Et c’est tellement ça. Est-ce qu’un jour, j’arriverai à avoir assez le temps des choses qui me tiennent à coeur, à l’avoir ou à le prendre, qu’en sais-je, c’est que j’ai pourtant l’impression de ne pas tellement traîner, mais d’avoir aussi besoin de ces quelques moments de rien, seule sur le canapé devant le ciel, minutes à regarder le dehors sans avoir envie d’y mettre les pieds. Un dimanche comme ça, je lis les 480 pages d’un roman de Delphine de Vigan d’une traite, ce bouquin qui me happe complètement, le garçon d’à côté est là et je sais que nos heures ensemble ne sont pas si abondantes mais je n’arrive pas à faire autre chose, j’aime le savoir juste là et le retrouver entre deux chapitres, mais j’ai trop besoin de cette vie intérieure qui depuis quelques semaines semble avoir disparu, tant il y a eu de rencontres denses, d’événements enchaînés et de journées pleines.

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la saison des taches de douceur

Un dimanche après-midi, je reçois dans ma boîte mail les textes des enfants d’un atelier d’il y a deux mois en Normandie, textes qu’ils ont repris, tapés, et mis en page, et j’adore ce cadeau : tout ce temps passé entre cet atelier-là et ce dimanche après-midi-ci m’avait fait oublier une partie des mots, alors je m’y replonge avec plaisir. Depuis, ce n’est ni les mêmes publics ni les mêmes endroits, mais il y a quelque chose néanmoins qui a bougé ; c’est, dans un collège, un grand ado dégingandé qui écrit je me souviens de quand on pouvait prendre le métro sans avoir peur d’y mourir dans une explosion, pendant un oral où je demande à la petite de 8 ans s’il y avait un lieu qu’elle aimerait visiter dans le monde, avant c’était Paris mais maintenant j’ai peur, dans mes ateliers sur Magritte juste après, Magritte, tu es surréaliste mais aujourd’hui la vie te copie. C’est à un rendez-vous d’écriture, une jeune femme qui lit un texte sur ce 22 mars, alors que j’étais moi aussi autour de la même table en train d’en écrire un autre, et je me demande combien nous sommes dans ce groupe à avoir parlé de ça. Je me demande combien de temps ça hantera, combien de mots ça viendra prendre, combien de respirations.

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une intuition du monde

C’est le mail d’I. arrivé ce matin dans ma boîte et qui dit « je me demandais si tes mots avaient eu envie de parler de la Bruxelles de ce jour » qui me pousse à ouvrir un document vierge et à commencer des phrases sans tout à fait savoir ce que je voudrais qu’elles disent. Après janvier l’année dernière, après novembre, j’étais restée silencieuse longtemps, hébétée, et là j’ai cette sensation qu’il ne faut pas se laisser aller à ce vide des mots, qu’il ne faut pas rester trop de jours sans poésie parce que c’est ça qui nous tuerait.

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