Dans la fin de la nuit, nous pédalons pour rejoindre la gare, entre les gens ivres de leur soirée. Trente minutes plus tard, je pleure toute seule dans le wagon désert, j’ai mal aux au revoir, d’avoir été si tant de jours d’affilée avec le garçon d’à côté, est-ce obligé de s’arrêter ? Il fait froid dans ce train-là et je m’enroule dans mon duvet, je sors de cette semaine confuse et mitigée. J’ai aimé le bord du lac, mais je n’ai pas réussi à écrire, j’ai détesté l’actualité même si une tarte aux abricots est venue nous consoler, je n’ai pas aimé crever loin de tout, mais apprendre à changer une chambre à air m’a redonné un peu de fierté. Un soir, on a regardé Nus et culottés et être sur la route m’a manqué, on a fait du bateau mais je me suis sentie vague. On m’a posé un lapin alors qu’il me restait à peine le temps d’être amoureuse, j’ai mâché ma colère lentement en pédalant vite. Dans un appartement avec vue sur le lac, je découvre dans le récit d’une autre des bribes de ce qu’il a pu être pendant ses études, et j’aime bien, et à la fois, mon corps me joue des tours et au bord de l’eau, je suis à fleur de peau. Alors ce sont un peu des larmes de tout ça, dans le wagon désert, jusqu’à Dijon où un couple anglais monte dans le même wagon, on se raconte nos parcours et je bois leur délicieux accent, le garçon me demande, tu es prof ? et je m’étonne que ça se lise sur moi au milieu de ma vadrouille, mais il ajoute tu es la première Française qu’on rencontre qui fait attention à parler lentement plus de deux minutes, et je ris. Je veux bien de ces déformations professionnelles-là.
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