Est-ce le premier janvier déjà ou bien est-ce quelques jours plus tard ? je ne sais plus, mais en sortant de la gare un soir, le premier janvier ou quelques jours plus tard, sa main glissée dans la mienne, il me demande : est-ce que tu aurais imaginé ça, si on te l’avait dit, il y a six ans, quand tu avais posé ta tête sur mon épaule alors qu’on attendait un train sur ce même quai – ce même quai de cette petite ville de ce pays qui n’est ni le tien ni le mien, alors qu’à ce moment-là encore, rien ne nous liait sauf nos mails, nos mails et nos mails – que six ans, oui, six ans après, par hasard, on habiterait là ? Et moi de lui répondre, est-ce que tu aurais imaginé ça, si on te l’avait dit, il y a trois ans, quand nous étions rentrés de vadrouille – de je ne sais plus quelle vadrouille, peut-être d’un voyage en Italie ? – et que nous avions trouvé dans notre placard à thés trois nouveaux sachets laissés par de gentils inconnus, trois sachets qui s’appelaient le thé des poètes solitaires, la tisane bella vita et le petit bonheur de Morges, est-ce que tu aurais imaginé que trois ans plus tard, nous irions nous installer là, dans cette petite ville de ce petit pays qui n’est ni le tien ni le mien et dont on sait simplement qu’elle a une boutique de thés en vrac aux jolis noms ? Et de rire, évidemment. De rire des surprises de la drôle de vie, qui va et vient comme on ne l’attend pas, et qui secoue tout le temps tout en même temps.