la saison des taches de douceur

Un dimanche après-midi, je reçois dans ma boîte mail les textes des enfants d’un atelier d’il y a deux mois en Normandie, textes qu’ils ont repris, tapés, et mis en page, et j’adore ce cadeau : tout ce temps passé entre cet atelier-là et ce dimanche après-midi-ci m’avait fait oublier une partie des mots, alors je m’y replonge avec plaisir. Depuis, ce n’est ni les mêmes publics ni les mêmes endroits, mais il y a quelque chose néanmoins qui a bougé ; c’est, dans un collège, un grand ado dégingandé qui écrit je me souviens de quand on pouvait prendre le métro sans avoir peur d’y mourir dans une explosion, pendant un oral où je demande à la petite de 8 ans s’il y avait un lieu qu’elle aimerait visiter dans le monde, avant c’était Paris mais maintenant j’ai peur, dans mes ateliers sur Magritte juste après, Magritte, tu es surréaliste mais aujourd’hui la vie te copie. C’est à un rendez-vous d’écriture, une jeune femme qui lit un texte sur ce 22 mars, alors que j’étais moi aussi autour de la même table en train d’en écrire un autre, et je me demande combien nous sommes dans ce groupe à avoir parlé de ça. Je me demande combien de temps ça hantera, combien de mots ça viendra prendre, combien de respirations.

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une intuition du monde

C’est le mail d’I. arrivé ce matin dans ma boîte et qui dit « je me demandais si tes mots avaient eu envie de parler de la Bruxelles de ce jour » qui me pousse à ouvrir un document vierge et à commencer des phrases sans tout à fait savoir ce que je voudrais qu’elles disent. Après janvier l’année dernière, après novembre, j’étais restée silencieuse longtemps, hébétée, et là j’ai cette sensation qu’il ne faut pas se laisser aller à ce vide des mots, qu’il ne faut pas rester trop de jours sans poésie parce que c’est ça qui nous tuerait.

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l’embellie

(d’habitude je relis toujours à voix haute avant de poster, là j’ai juste, en plus, cliqué sur « enregistrer »)

Quand, ce vendredi soir-là, la médecin m’avait rappelée pour me dire qu’il fallait que j’aille aux urgences, j’étais assise face à la baie vitrée en train de boire du thé et de manger des cookies à la noix de coco avec K., alors la seule chose que j’avais trouvé à répondre, vraiment, c’était : « mais euh… maintenant ?! », parce que continuer à bavarder joyeusement me semblait plus important qu’à peu près tout le reste. C’est drôle comme, quand on est au cœur des choses, on ne les mesure pas, drôle de se rendre compte à quel point elles nous dépassent. Alors un peu plus tard, j’écrivais au garçon d’à côté de ne pas s’inquiéter mais que je rentrerais après ce qui était prévu, alors encore plus tard je me disais qu’avec un peu de chance j’attraperais bien le dernier métro, alors toujours plus tard en étant en train d’envisager de prendre un taxi, je comprenais que je ne dormirais pas dans le radeau, ni cette nuit-là, ni la suivante, ni la suivante suivante, et caetera.

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