comme les autres avant

Sans doute que vite, bientôt, pas loin, j’oublierai ce début 2017 un peu casse-gueule, j’oublierai les nuits à cogiter en regardant le plafond, les larmes qui débarquent sans raison et l’envie de me rouler en boule sous la couette trop souvent, les nœuds dans les cheveux le dos le ventre, et tout ce qui rend les journées un peu trop compliquées. J’oublierai les prises de sang, les mille questions sur ce qu’on fait et où et à quoi bon si, les silences étouffants, les habitudes à prendre, et celles qu’on voudrait enfin faire exploser et réduire en miettes mais qui résistent. C’est comme si la joie quelque part s’était égarée. Enfin bien sûr pas complètement, c’est juste que ça tangue fort, ça n’était pas arrivé depuis tellement longtemps. Je dis, n’empêche, ça renforce encore l’idée que d’habitude, ça va, et oui, d’habitude, c’est doux d’avancer, dans les jolis défis du quotidien, c’est joyeux de tisser des liens entre les mondes et les gens et de construire la vie comme ça, d’avoir la chance de faire ce qu’on croit bon et porteur de sens. Là, c’est tout atténué, tout tiraillé, mais bien sûr, vite, bientôt, pas loin, ça va se remettre à vibrer.

Pour faire passer la pilule, il faut bien lui donner un peu de poésie, en tout cas c’est ma manière de faire, et si le garçon d’à côté demande le matin tout ensommeillé, c’est l’heure de la tarte au Sintrom ?, je ne peux que l’aimer. Le carnet violet quant à lui s’appelle tout Concorde, à cause de la rue, et la première fois après avoir poussé la porte, c’est ce que j’avais envie de dire, « ça tombe bien ». Finalement, je n’ai pas dit ça mais autre chose, je ne sais plus dans quel sens. En désordre jusqu’à nouvel ordre. Je remplis le carnet violet, donc, et puis un carnet orange, un carnet à oiseaux, des mots des mots des lignes des questions des souvenirs alors qu’à côté aucun projet d’écriture n’avance, mais mars, dit-on, mars, paraît-il, mars, me suis-je promis, et brouillonne, je bouillonne. J’ai hâte de la travadrouille à nouveau, de la mer et de l’océan, des forêts et des villes, et des ami.e.s au-dedans, du rythme à installer, des choses à avancer avec du temps – je l’espère – au devant.

À Lyon, il y a l’avant et l’après et l’accueil de mon amie K., son grand matelas au milieu du salon, et notre cake préparé à quatre mains un samedi matin. Mes amies de lycée sont si chères à retrouver, et les nouvelles rencontres tout à côté, et puis un matin, je prends un tram jusqu’au bout de la ville, trajet quotidien d’une vie passée. J’y croise des profs d’il y a des tas d’années, et, fin de journée, je parle de mon grand nord et de ce que j’y fais. On me dit, quand tu parles de ton boulot, ça pétille, et je ne peux m’empêcher de sourire.

Depuis le départ du garçon d’à côté, j’avais arrêté de compter le nombre de nuits avant qu’il ne revienne parce que ça paraissait tout le temps trop loin. Ces nuits-ci, je dors dans le petit radeau, celui où je ne me perds pas. Finalement, tout à coup, ses bras, c’est pour demain, et ça c’est plutôt bien. J’ai hâte de retrouver nos complicités et nos petits projets.

Ces derniers jours, il y a aussi eu la plante qui n’en finissait plus d’hiberner et qui, ça y est, montre son premier bourgeon rouge ; les mains – et la tête, et la tête – occupées à apprendre à réparer un vélo ; un crumble bananes-pommes-poires-chocolat avec l’amie qui arrive un bocal de purée d’amandes dans son sac ; des heures et des heures de Skype avec mes sœurs et les récits de nos vies parallèles, durs et riches et précieux ; un Delphine de Vigan à nouveau inlâchable et les petits messages des aimé.e.s qui aident à ne pas perdre pied, et ce qu’on apprend de soi pour se redonner le sourire : passer chez les bouquinistes, chanter avec d’autres, aller à un concert de Vincent Delerm juste après avoir animé un atelier autour de son univers, boire du thé aux pommes caramélisées offert par Hanneton, décortiquer 800g de noisettes, pédaler la nuit sous la pluie.

Sans doute que vite, bientôt, pas loin, ce sera de nouveau mieux, de nouveau bien.